Un manuscrit d'exception
Réalisé au IXe siècle sous le haut patronage de l'archevêque de Reims, Ébbon, cet ouvrage revête un caractère sacré car le livre est alors considéré le vecteur principal de la parole divine. Copié à l'encre d'or sur vélin par les moines de l'abbaye d'Hautvillers, l'Evangéliaire contient les quatre Évangiles, les prologues de Saint Jérôme, les douze tableaux des canons, qui établissent une concordance entre les textes ordonnés en versets, ainsi que le capitulare evangeliorum, qui indique les passages devant être lus à la messe, tout au long de l'année. La dédicace en capitales rustiques et l'utilisation de la minuscule caroline sont les témoins de la renaissance de l'écriture, à l'époque carolingienne. Chaque évangile est précédé du portrait magnifiquement enluminé d'un évangéliste.
Au début du 18ème siècle, ce manuscrit était encore recouvert d'une reliure précieuse ornée de plaques d'ivoire. Aujourd'hui il est protégé par une reliure simple de cuir moderne, réalisé en 1951 par les ateliers de la Bibliothèque nationale de France.
Un archevêque au parcours tumultueux
Ebbon (775 - 851), frère de lait de Louis le Pieux qui fit de lui son bibliothécaire, devient archevêque de Reims en 816. Dès lors, il aspire à faire de son évêché le cœur de la renaissance carolingienne. Grâce à la réunion exceptionnelle d'artistes à l'abbaye bénédictine d’Hautvillers, il joue un rôle décisif dans le développement du courant artistique nommé "École de Reims". C'est aussi sous son égide qu'est lancée en 826 la rénovation de l’actuelle cathédrale de Reims.
En 833, il se ligue à Lothaire pour obtenir la destitution de Louis le Pieux. Mais lorsque celui-ci retrouve son titre d'empereur en 834, Ebbon est destitué de ses fonctions. A la mort de Louis le Pieux en 840, Lothaire devenu empereur, le rétablit sur le siège archiépiscopal de Reims. Mais, l'année suivante il est à nouveau destitué par Charles le Chauve. Il termine sa vie auprès de Louis le Germanique en obtenant le siège de Hildesheim (Basse-Saxe).
Ses intrigues politiques et sa grande influence dans le monde religieux de son temps célèbrent moins sa mémoire que l’Évangéliaire à son nom, un des fleurons de l’enluminure carolingienne. La question de la datation de cet ouvrage demeure ouverte : daté par les historiens entre 816 et 823, il pourrait finalement avoir été produit vers 840. La dédicace à Saint Pierre (abbé d'Hautvillers de 820 à 841) et sa présence dans la bibliothèque d'Hautvillers jusqu’à la Révolution permettent de l'attribuer au scriptorium de l'Ecole de Reims. Confisqués lors de la Révolution, l'Évangéliaire d'Ebbon a été déposé à la Ville d’Épernay.